Une petite histoire de Noël à Herve en décembre 44… qui a le goût des donuts…

Une petite histoire de Noël à Herve en décembre 44… qui a le goût des donuts…

Quelques explications : les ARC (American Red Cross) disposent d’unités appelées ‘Clubmobiles’. Ces unités composées de volontaires féminins étaient chargées d’animer les jours de repos des soldats en les accueillant, en fournissant café et donuts, en animant des séances de cinéma ou de cabaret. Dès octobre 1944, Herve a été une ville ‘repos’ où les soldats pouvaient se reposer. Et les Clubmobiles ont été présents durant cette période.

       

(source photos : www.clubmobile.org)

En faisant quelques recherches, nous avons trouvé trace d’un livre qu’un de nos sympathisants aux Etats-Unis nous a fourni. Ce livre reprend différents témoignages des membres d’unité ‘Clubmobile’… et parmi ces témoignages, celui d’Eliza King, membre du groupe B des Clubmobiles de la 1ère armée.

(Extrait du livre de Marjorie Lee Morgan, « The ARC in the storm »)

Après un périple à travers la France, le groupe arrive en novembre 1944 à Eupen, voici la suite du récit :

La neige a continué à tomber, les routes sont devenues plus verglacées, les jours plus courts et la conduite de camions de plus en plus difficile. D’une manière ou d’une autre, nous avons traversé ces semaines sans encombres.

Le 3 décembre, la guerre nous est revenue brusquement, sous la forme de quelques avions allemands qui ont mitraillé Eupen, y compris le terrain où les Clubmobiles étaient stationnés.

Heureusement, les éclats d’obus n’ont touché que le mur, et les filles ont rampé sous les camions à temps pour terminer la cuisson. La rumeur nous a dit qu’il s’agissait des premiers avions à réaction que les Allemands avaient utilisés.

Le premier programme de Noël à Eupen a eu lieu le 10 décembre dans l’une des églises locales, un programme de musique de Noël donné conjointement par des civils et des membres du V Corps. Cette nuit-là, cependant, le Victor Recreation Center était dans l’effervescence avec l’arrivée de Marlene Dietrich, mais qui a déçu tout le monde en apparaissant au dîner en jupe longue!

Vers 5 h 45 le matin du 16 décembre, nous avons été réveillées par des bruits sourds. Au début, nous pensions que c’étaient nos canons d’artillerie, mais nous avions des doutes car nous ne reconnaissions pas le bruit. Contre toute attente, nous avons dû admettre que ce devait être de l’artillerie ennemie et au petit déjeuner, nous avons appris que nous avions été bombardés par les Allemands.

Dans la nuit 16 au 17 décembre, il y a eu plus en plus de bombardements et dimanche matin, nous avons appris que certains parachutistes allemands avaient été largués non loin de la ville. Personne n’a été autorisé à quitter la ville et on nous a dit de rester à l’intérieur, ce que nous avons fait consciencieusement… toujours en faisant des donuts pour envoyer au front.

À 15 h 30 cet après-midi du 17 décembre, l’ordre nous est donné de faire mouvement dans l’heure en ne prenant qu’une musette. Nous étions malheureuses car nous nous sommes permis le luxe de déballer et de disperser toutes nos affaires dans tout le bâtiment, et en une heure, nous devions décider quels biens nous devions emporter : les colis de Noël de la maison, les souvenirs et notre nouvelle ration d’alcool.

Nous avons donc chargé dans 2 camions nos colis, nos packages de lit et autant de vêtements que nous pouvions. Le convoi de Clubmobiles et ainsi que d’autres véhicules était prêt à partir à 5 heures mais notre escorte armée, un half-track avec un équipage complet avec fusil, était arrivée avec une demi-heure de retard. Il faisait donc presque nuit quand nous sommes partis. Nous avons roulé, avec peu ou pas de lumière du tout, retenant notre souffle en passant devant des convois de chars non éclairés. Au nord et à l’est, le ciel était éclairé par des fusées et par des éclairs de canons, puis en nous dirigeant vers l’ouest, nous avons été aveuglées par les phares des véhicules venant de la « zone éclairée ».

Il nous a fallu environ une heure et demie pour parcourir les quinze miles jusqu’à Herve, où l’arrière de la 1ère division s’est rapidement ralliée à l’idée d’avoir soudainement 30 femmes à nourrir et à loger. Cette première nuit, nous sommes restées au centre de repos de la division, qui était heureusement vide à l’époque. Les matelas de paille sur les doubles lits qui bordaient les côtés de ce qui avait été un théâtre nous rappelaient la zone de rassemblement de Southampton, mais encore une fois, nous étions reconnaissantes pour les petites choses.

Le lendemain matin, nous avons déménagé dans des logements privés, dans toute la ville, mais le manque de chauffage et d’installation sanitaire dans les chambres a été largement compensé par l’accueil des familles belges qui nous ont hébergées.

Ils nous ont nourris, ils ont lavé nos vêtements, ils nous ont trouvé des arbres de Noël, ils étaient aussi chaleureux et amicaux que les civils d’Eupen avaient été hostiles.

Nous nous sommes préparés à rester que très peu de jours, mais ces quelques jours s’étendent maintenant à deux semaines. Comme l’armée nous a dit de ne pas apporter notre équipement, nous avons passé les cinq premiers jours à essayer de récupérer nos affaires qui avaient été emballées rapidement.

Comme nous étions sûrs que nous resterions à Herve pour Noël, nous avons demandé de recevoir des fournitures et la veille de Noël, nous avons préparé des beignets pour une fête prévue le 25 dans l’après-midi avec les soldats stationnés à Herve.

Noël a été attristé pour nous par le choc de la mort de l’une des nôtres, Katie Cullen. Elle a été envoyée à l’hôpital pour se remettre d’un gros rhume dimanche après-midi, environ 15 minutes avant que nous ayons reçu l’ordre de déménager. Elle devait retrouver le groupe mercredi matin, mais à 5 h 20, l’hôpital a été touché. Elle est décédée deux heures plus tard. Elle a été enterrée le 21 décembre dans le cimetière militaire américain d’Henri-Chapelle, dans un cercueil recouvert du drapeau américain.

A midi, le jour de Noël, tout le groupe a assisté à une messe dite pour Katie par le père Waters, aumônier catholique de la 1ère division.

Le soir de la veille de Noël, une dizaine d’entre nous a rejoint un groupe de soldats de la 1ère Division en chantant des cantiques de Noël dans les rues de Herve. Nous avons roulé dans un GMC et partout où nous nous sommes arrêtés, nous avons été accueillis par des groupes de Belges qui sont sortis dans la rue pour écouter. La lune et les étoiles étaient brillantes, comme elles peuvent l’être la veille de Noël, et bien que les éclairs dans le ciel nous aient rappelé qu’une guerre était toujours en cours, nous avons senti que pour ce moment, dans ce petit coin de Belgique, il y avait la paix dans le cœur des hommes.

Outre la fête des soldats l’après-midi de Noël, nous avons eu une petite fête pour nous ce matin-là, dans la salle d’audience de la mairie que nous avons prise pour un bureau.

Nous avions vu de nombreux bureaux, mais aucun n’est aussi élégant que la salle avec des fauteuils moelleux et une barre supérieure en cuir où préside le juge de paix. Heureusement, il n’est pas arrivé jeudi pour tenir sa séance hebdomadaire, car son bureau est maintenant encombré de bagages tels que seule la Croix-Rouge peut en avoir, du linge non réclamé, des bottes, de vieux casques et d’autres objets.

Nous avons recommencé notre programme régulier de cuisson des donuts le lendemain de Noël, et bien que nous ne soyons pas autorisées à quitter la ville pour les servir, nous avons pu envoyer aux soldats de première ligne en moyenne 10 000 donuts par jour.

Nous travaillons et vivons ici au quotidien, tirant le meilleur parti de notre repos, mais nous attendons avec impatience le moment où nous pourrons partir sur la route et refaire un vrai travail de Clubmobiling.

 

 

 

(source photos : www. https://allthatsinteresting.com/donut-dollies

5 réflexions au sujet de « Une petite histoire de Noël à Herve en décembre 44… qui a le goût des donuts… »

    1. ce 24 décembre 1944, nous habitions dans le haut de la rue HAUTE (au n°101, juste à côté su salon de coiffure LEJEUNE). Je me rappelle fort bien car j’avais 6 ans à l’époque: il faisait nuit et nos parents nous ont éveillés pour que nous assistions au spectacle. En face de la maison, il y avait 3 immeubles dont le principal, au centre, était occupé par la famille WAUCOMONT. Immeuble, je pense du Boerenbond ou d’une Compagnie d’Assurances où travaillait Mr Waucomont (père de Simonne, Madeleine, Bielle et André). Un groupe s’était formé, un sapin illuminé avait été dressé près de la façade et alors… la magie de Noël a joué. De la fenêtre du 1er étage où nos parents nous avaient amenés, nous avons entendus les chants de Noël qui commençaient, timidement d’abord, plus engagés ensuite et finalement très enthousiastes. Des soldats américains cantonnés à Herve formaient l’essentiel du groupe, mais il y avait aussi pas mal de monde du quartier que ces chants avaient tiré de leurs maisons. C’est pratiquement mon premier souvenir de Noël…c’était en 44, la bataille des Ardennes faisait encore rage mais Bastogne encerclé allait être délivré …..

      1. Bonjour Monsieur Delvaux, j’ai transféré vos deux commentaires très intéressants sur un document ( pins drapeau américain ) portant le numéro d’archive N° 35220, de cette façon vous pouvez à loisir consulter celui-ci sur notre site, merci encore de l’intérêt que vous portez à ” ARVIA ”

  1. en complément à mon commentaire précédent relatif aux soldats américains cantonnés à HERVE (souvenir d’un gosse de 6 ans, la nuit de Noël 1944), je peux encore préciser que nous hébergions à l’époque 2 officiers : le Capitaine MAC ELVE (d’origine irlandaise) et un Lieutenant…dont j’ai oublié le nom. Ils logeaient dans la même chambre au 2ème étage (nous étions 5 enfants et il y avait aussi à la maison en plus de mes 2 parents, une tante célibataire: Marguerite FAUCONNIER, ancienne religieuse des Sœurs… de la Miséricorde (?)).
    L’attribution des chambres s’était effectuée par le Capitaine Lambert JACOB, de l’armée belge, un hervien époux de Marthe Smets dont le fils Alain-Guy était d’ailleurs dans ma classe de première primaire. Le Capitaine remplissait le rôle d’Officier de liaison avec les troupes américaines et à ce titre, il était passé dans toutes les maisons susceptibles de pouvoir héberger un ou plusieurs officiers. A l’école des Frères , nous l’avions vu passer d’ailleurs peu après la rentrée scolaire et il nous avait impressionné par son uniforme et par son « How do you do, boys » qui précédait son entrée dans la classe (Alain-Guy aussi était doué pour le théâtre et fit d’ailleurs carrière sur les planches liégeoises et bruxelloises…mais je l’ai perdu de vue) .
    Chez mes cousins GERON, à la Pharmacie en Potiérue, étaient également logés 2 officiers…et l’un d’eux était prof d’unif aux USA (enrôlé sans doute contre son gré dans cette guerre où il ne se sentait pas vraiment l’âme d’un héros!). Les troupes cantonnées à Herve étaient des troupes au repos et lorsque les bruits de la Bataille des Ardennes ont gagné le cantonnement, avec le risque de devoir faire mouvement vers ce nouveau front et d’essuyer le feu de l’ennemi…cet officier a dû être emmené à l’hôpital militaire pour une balle qu’il s’était tiré dans le pied « en nettoyant son arme » !

    1. Bonjour Monsieur Delvaux, j’ai transféré vos deux commentaires très intéressants sur un document ( pins drapeau américain ) portant le numéro d’archive N° 35220, de cette façon vous pouvez à loisir consulter celui-ci sur notre site, merci encore de l’intérêt que vous portez à  » ARVIA  »

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